Cahier de doléances, plaintes et remontrances de la paroisse de

Menou

élection de Clamecy, généralité d'Orléans et bailliage d'Auxerre

 

Cette paroisse est composée de 118 feux et couverte de forêts de toute part, lesquelles forêts appartiennent à de puissants seigneurs. Les habitants n'en ont qu'une très petite partie pour leur chauffage. Il ne reste que peu de terre en culture, de médiocre valeur, et cette paroisse ne récolte pas de quoi se nourrir la moitié de l'année. C'est dans l'exploitation de ces forêts que les habitants vont gagner de quoi vivre et payer leurs impôts ; mais si ces forêts fournissent une ressource aux ouvriers, les voitures qui conduisent les marchandises sur les ports ruinent le cultivateur. La grande quantité de voitures qui passent journellement enfonce les chemins et la première pluie les rend impraticables. Pour lors ces voitures passent dans les héritages et terres emblavées, ce qui fait un tort considérable aux particuliers. Depuis quelques années cette paroisse paye 250 livres de corvée pour la nouvelle route de Clamecy, à cinq lieues de distance. Si cette somme, en y ajoutant quelque chose, étoit employée sur les chemins de cette paroisse, on parviendroit à les réparer, ce qui sauveroit les déblures et rendroit le commerce des bois de moule plus facile.

Les voeux de cette paroisse sont :

1° Qu'il n'y ait qu'un seul et unique impôt, lequel sera réparti sur tous les sujets du royaume sans exception, privilégiés et non privilégiés, clergé et noblesse compris, et par égalité de biens et faculté de chacun ;

2° L'augmentation de l'impôt, s'il est nécessaire, pour le bien de l'Etat ;

3° La suppression des aides et gabelles ;

4° La liberté de commerce du sel et du tabac (1) comme de toutes les autres productions du royaume ; la faculté de cultiver cette dernière production ;

5° La réforme des eaux et forêts ou plutôt la suppression ;

6° Les bois communaux et les revenus des paroisses régis par les municipalités, de même que les réparations publiques ; lesquelles municipalités en rendront compte tous les ans et sans frais à leur communauté ;

7° Les contestations concernant les délits des bois communaux et autres réglées par devant les juges des lieux, ou au bailliage royal du ressort ;

8° Que les seigneurs soient tenus d'avoir des officiers de justice résidants, ou qu'il soit permis aux particuliers de ces justices inférieures de porter leurs affaires au bailliage royal du ressort et en première instance ;

9° La suppression des droits qui gênent le commerce et l'agriculture; qu'il soit permis de rembourser aux seigneurs les profits de lods et ventes et tous les droits qu'ils exigent sur toutes espèces de marchandises qui entrent ou sortent des foires et marchés ;

10° L'établissement des Etats provinciaux ;

11° Qu'aux Etats généraux, il soit voté par tête et non par ordre ;

12° La suppression de la dîme ; une somme payée tous les ans aux curés et par quartier ;

13° Que les curés soient tenus d'avoir un desservant lorsqu'ils voudront s'absenter plus de deux jours de leur paroisse, et lorsqu'ils manqueront de satisfaire à cet article, qu'on leur diminue une somme sur leur quartier et au profit des pauvres ;

14° La paroisse de Menou observe que la généralité d'Orléans est plus chargée de tailles, proportion gardée, des biens et facultés que les généralités voisines. L'élection de la Charité, généralité de Bourges, qui est notre voisine, ne paye pas moitié de tailles que nous qui sommes de l'élection de Clamecy, généralité d'Orléans. En observant une égalité plus exacte dans la nature des biens et facultés, nous demandons une égalité dans la distribution de l'impôt ;

15° La suppression des aides ayant lieu, que les aubergistes et les cabaretiers payent une somme qui sera imposée sur le rôle des tailles du lieu de leur résidence, afin d'éviter les frais de recouvrement ;

16° Que tous ceux qui voudront obtenir des lettres de répit soient tenus de faire une assemblée générale au lieu de leur résidence, où il sera dressé un acte qui constatera leurs pertes, et l'acte signé, au moins de quatre des plus notables.

La réforme des huissiers-priseurs, ou qu'ils soient assujettis à la taxe du juge du lieu.

La réforme des économies.

Signé : Guerin - Tenaille fils - François Jannot - Louis Joannot - C. Bourbon - Joseph Bigarne - Ravary.

Beauvais, secrétaire.

Coté et paraphé ne varietur au désir de l'acte d'assemblée des habitants de la paroisse de Menou, tenue par nous, Augustin-Jérôme le jeune, avocat au Parlement, expédiant en cette partie à cause de l'empêchement de M. le bailly dudit Menou, ce jourd'huy 15 mars 1789.

Signé : Rossignol

 

Sources : Cahier des paroisses du bailliage d'Auxerre pour les Etats-Généraux (1789)

 

Notes et vocabulaire

(0) - Par convention et pour en faciliter la lecture, le texte original a subi diverses retouches : ajout de majuscules aux noms propres, accents, apostrophes et autres signes de ponctuation indispensables à la compréhension ; développement des abréviations ; suppression des majuscules superflues ; séparation des mots accolés... En revanche, l'orthographe n'a pas été corrigée. Les mots entre parenthèses sont incertains.

(1) - commerce du sel et du tabac : Ce commerce relève alors du monopole de l'Etat comme en témoigne un acte passé à Donzy en 1792, concernant une maison dans laquelle les occupants ne peuvent acheter ny distribuer ny sel ny tabac.

 

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Page créée le 16 avril 2004. Dernière mise à jour le 27 novembre 2019.