François-Augustin Marille curé de Vielmanay (1765 / 1793) |
![]() L'entrée de l'église de Vielmanay (Nièvre), où officiait F.-A. Marille |
C'est le 18 juin 1765 que François-Augustin Marille, né à Courtenay dans le Loiret, prend possession de la cure de Vielmanay. Il est alors âgé de vingt-neuf ans. Il va y exercer ses fonctions pendant près de trente ans - jusqu'à son arrestation, le 26 mars 1793.
Pourtant, en 1791, comme la grande majorité de ses confrères nivernais, il a prêté serment à la constitution civile du clergé (serment qu'il dénoncera plus tard) mais on découvre chez lui une correspondance suspecte. Des nostalgiques de l'Ancien Régime s'y confient sans retenue. Du coup, il est soupçonné de partager secrètement leurs sentiments. On le menace alors de déportation aux Antilles (dans l'île Saint-Vincent, plus précisément) et il est conduit dans une prison de Nevers. Quelques semaines plus tard, il est transféré, toujours à Nevers, dans l'abbaye de Notre-Dame, où il vit reclus pendant plus d'un an en compagnie d'autres prêtres réfractaires. Les premiers temps, il bénéficie d'une liberté certaine, allant et venant à sa guise. Mais, peu à peu, le régime se durcit. La menace de déportation - à laquelle il aurait dû échapper en vertu de son âge (proche de la soixantaine) et de son état de santé - se fait plus précise. |
Vestiges de l'abbaye de Notre-Dame (Nevers). (photo empruntée au site de la ville de Nevers) |
Le 14 février 1794, il embarque en compagnie d'une soixantaine d'autres prêtres nivernais et angevins à destination de Nantes puis de Brest. Le voyage prend rapidement une tournure dramatique. Malades, affamés, menacés, maltraités, quatre prêtres sur cinq y laissent la vie.
Une galiote hollandaise Le 18 mai, trois mois plus tard, les douze survivants atteignent enfin Brest. Ils sont alors conduits dans la maison d'arrêt de Pontaniou. L'accusateur public du tribunal de Brest leur promet la guillotine. |
Ancienne prison maritime de Pontaniou (Brest). F.-A. Marille fut emprisonné à Pontaniou mais pas dans ce bâtiment, construit entre 1809 et 1814. |
Mais le
sort des rescapés s'adoucit peu à peu. On les laisse assez
vite sortir dans Brest. Le 2 mars 1795, ils sont libérés.
En avril, enfin, il leur est permis de retourner dans leurs familles respectives.
François-Augustin Marille revient alors à Vielmanay. Au Concordat (1801), il rentre dans son diocèse d'origine. À sa mort, le 20 septembre 1819, à 83 ans, il est aumônier à l'hôpital d'Auxerre. |
Signature de François-Augustin Marille (1766) |
Archives
- 1793 : Inventaire des effets de François-Augustin Marille - 1794 : Requête du neveu du curé Marille. |
Le
curé Marille dans ses meubles (1793)
À l'époque de son arrestation (1793), le curé Marille habite le bourg de Vielmanay, au presbytère. Contrairement à ce qu'il prétend, loin d'être dans la gêne, il semble au contraire jouir d'un certain confort. Divers indices donnent même à penser qu'il n'a nullement renoncé aux plaisirs terrestres. Qu'on en juge ! Chauffée par une cheminée, la maison curiale est éclairée par au moins deux fenêtres garnies de rideaux - ce qui laisse supposer l'existence de deux pièces. Sous chacune de ces fenêtres se trouve une petite commode, l'une à tiroirs, l'autre à battants - la seconde fermant à clef. On imagine que c'est dans l'une d'elles que le curé range son linge : 18 chemises, 5 bonnets de coton, 2 paires de bas de laine noirs, 2 vestes, 1 culotte, 2 soutanes, 1 robe de chambre en indienne, 1 chapeau... et le linge de maison : 4 draps, 1 rideau, 8 nappes, 52 serviettes (!). Dans l'une des pièces se dresse le lit du curé, entouré de rideaux coulissants et surmonté d'un ciel de serge bleue. À proximité est disposée une petite table de nuit. Le mobilier de la pièce se compose d'un secrétaire, d'un prie-Dieu, d'une grande glace ainsi, probablement, que de la "bibliothèque" du curé - faite de quelques planches de bois supportant plusieurs centaines de livres (608 livres lui ont été confisqués). On doit vraisemblablement y trouver également la première des trois tables recensées au presbytère : une petite table à jouer, à tiroirs. Deux autres tables figurent à l'inventaire (mais, curieusement, pas d'armoire) : une petite table à quatre pieds et une mauvaise table de cuisine. Cinq chaises empaillées permettent de s'asseoir. La cheminée sert évidemment également à cuisiner. Elle abrite une garniture de feu - composée de deux chenets, une pelle et une pincette -, un trépied et une crémaillère. Divers récipients s'y succèdent : 2 chaudières, 1 poêle, un poêlon de cuivre. Dans la cuisine, on trouve également une maie, huche à pétrir le pain, et un cuvier pour la lessive. La vaisselle du curé Marille se compose de 5 bouteilles, 5 carafes de verre noir et blanc, 4 gobelets, 4 cuillers, 4 fourchettes, 4 plats, 9 assiettes, 1 vase de jade, 1 soupière de faïence, 1 moulin à café, 1 salière en cristal... À cet inventaire, il faut enfin ajouter divers objets peut-être rangés dans un cellier attenant : 70 pièces de poterie, 4 boîtes de fer blanc, 2 sacs, 2 grandes écuelles de bois, 2 seaux à puiser l'eau, 1 dévidoir à pelottes, 1 moulin garni de ses toiles (?), 1 boisseau, 1 tonneau, 1 escabeau, 1 méchante hache, 1 petite lanterne... Enfin - et c'est l'unique bestiau mentionné -, le curé Marille possède une vache. L'inventaire ne mentionne ni toit à porcs ni poulailler. Il n'est pas non plus fait état de cet auxiliaire pourtant indispensable au ministère paroissial : un cheval. On note, enfin, que le curé Marille n'a apparemment pas d'argent ni de papiers... Mais cet inventaire est-il exhaustif ? Il semble en effet que divers objets aient été dérobés avant l'intervention de l'autorité chargée de la vente aux enchères... D'autre part, le curé Marille n'est pas seul à habiter les lieux. Il les partage avec sa domestique, Madeleine Pompanon (à son service de 1787 à 1793). Veuve, celle-ci est venue avec ses propres affaires : bois de lit, paillasse, lit de plume, matelas, traversin, couverture, rideaux de serge verte, armoire en chêne, table de bois avec tiroir, quatre chaises, une bergère, un petit miroir, des vêtements...
Emplacement probable du presbytère habité par le curé Marille. |
Marille ou Marillé?
- Marille est vraisemblablement une déclinaison de Marillier. Selon Jean Tosti, ce dernier est un nom bourguignon, évoquant la fonction du marguillier. En ancien français, un marille était un registre. - On trouve de nombreuses souches Marille, Marilier, Mariller, Marillier... dans plusieurs villages nivernais. - Indubitablement, le curé de Vielmanay signe Marille et non Marillé (il suffit de constater avec quel vigueur il accentue le "é" de "curé"!). |
Extrait du registre paroissial de Vielmanay (24 janvier 1780) Acte rédigé par François-Augustin Marille (on reconnaît sa signature en haut). |
Bibliographie et sources
- Mémoires et correspondance d'un prêtre nivernais déporté en 1794, Abbé J. Charrier - Impr. Vallière - 1908. - Les Martyrs de la foi pendant la Révolution française - Aimé Guillon - Edition Mathiot - 1821. - Relation purement historique du voyage par eau de 61 prêtres du département de la Nièvre, de Nevers à Brest - Abbé Imbert, 1908 (Saisie de J.-P. Devignes, 2009). |
Recherche
- photo de l'ancien presbytère de Vielmanay (contact) |
Contributeurs
- Gérard Bouquet - Jean-Pierre Devignes - Jean-Michel Lapachet - Hélène Meignen - Jean Tosti (Dictionnaire des noms de famille de France et d'ailleurs) |
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Page créée le 23 mai 2009. Dernière mise à jour le 15 août 2015.
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