L'abbaye
de Bourras en 1708
|
Après avoir demeuré dix jours à Nevers, j'en partis pour aller à l'abbaye de Bourras dans le diocese d'Auxerre. Cette abbaye (...) peut avoir été autrefois assez considerable (...) : mais aujourd'huy elle est tellement ruinée, qu'elle ressemble plûtost à une grange qu'à une abbaye, en sorte qu'elle est réduite à un seul religieux. J'y arrivay sur les trois heures, & comme ce religieux étoit allé à la Charité, la servante qui a soin de son ménage fit mettre notre cheval à l'écurie, & me fit apporter du pain & du vin avec du fromage : comme je n'avois pas encore disné, j'en mangay avec appetit. Luy ayant demandé quand monsieur le prieur reviendroit, elle me répondit que ce seroit le soir même, & me dit beaucoup de bien de luy que j'entendois avec plaisir. Elle m'assûra qu'il se traittoit fort mal, & qu'à son arrivée il se contenteroit peut-être d'un salade, qu'il passoit tous les jours deux ou trois heures à l'église à prier Dieu & à dire son office , qu'elle en avoit vû deux autres avant luy qui étoient morts, lesquels faisoient bonne chère & se divertissoient bien ; elle ajoûta si ceux qui sont morts étoient obligés de faire ce que monsieur le prieur fait ; je ne scai pas ce qu'ils sont devenus. (...) Lorsque le prieur est arrivé, je connu la verité de ce qu'elle m'avoit dit. Il me parut un fort bon religieux, & il étoit si depourvû de toutes les necessitez de la vie, qu'à peine put-il trouver quelques oeufs pour me regaler. Il m'en fit de grandes excuses (...). |
Extrait de Voyage litteraire de deux benedictins de la Congregation de Saint Maur (1717) |
|
Page créée le 29 janvier 2012. Dernière mise à jour le 29 janvier 2012.
© Cahiers du val de Bargis