1689: "Zizanie à la Collégiale..." - Article de Monique Guenette (Blanc Cassis n° 111)

 

La collégiale de Clamecy

(photo empruntée au site des Vaux d'Yonne)

 

Clamecy relevait de l'évêché d'Auxerre et les actes concernant la collégiale saint Martin sont donc conservés aux Archives de l'Yonne. C'est en les consultant (cote G 1638) que j'ai retrouvé le document suivant:

 

Acte capitulaire du Chapitre de Clamecy par lequel

il refuse des ornemens au sieur BERGIER pour dire la messe

 

L'an mil six cent quatre vingt neuf, le onziesme juillet, issue de la messe de chapitre, nous, chanoines et chapitre de l'église collégialle St Martin de Clamecy, assemblez au son de la cloche au lieu accoustumé et destiné pour la délibération des affaires de nostre église, comparants par Maistres Philibert PETIT, Antoine GUILLIER, Jacques RAGON et Pierre BOUILLOUT, tous residans et capitulans, Mr le Chantre absent depuis prez de six mois, Mr PETIT ancien chanoine, président;

après la prière faicte, et qu'un chascun eut pris scéance, a esté dit et remonstré que la conduitte offensive que tient le sieur BERGIER, prestre demeurant en cette ville depuis quelque temps, et auquel les dits sieurs de chapitre avaient permis de porter les draps dans leur église jusques icy, paraist tellement remplie de mespris, non seulement pour tous les dits sieurs en particulier, mais pour toute la compagnie, ayant dit en plusieurs occasions d'un air dédaigneux qu'il n'avait aucune considération pour le chapitre, et qu'il s'en mocquait, en présence mesme de quelques uns du corps, et qu'à l'egard des status et règlemens de l'Eglise, il en faict si peu de cas, qu'il semble qu'il se fasse un plaisir de les violer; qu'il a entendu les confessions sans habit d'église, dont il a esté charitablement repris, mais cela ne l'a pas empesché de continuer plusieurs fois; que la veille de l'Annonciation, il vint au choeur pendant que l'on chantait l'hymne de vespres où il fit entrer quatre ou cinq femmes auquelles il donna la communion, et ce qui fait voir clairement qu'il ne tasche qu'à insulter la compagnie, c'est que dans le moment mesme, ayant oublié de fermer le tabernacle, il retourna au coeur sans surply, et dans le temps que l'officiant estait a genoux pour encenser, il avait les genoux sur l'autel pour fermer ledict tabernacle; que pendant l'octave du St Sacrement, il a affecté de se promener dans une chapelle, son bonnet quarré sur sa teste pendant mesme la messe de chapitre, et, au temps de la consécration, et qu'il est venu plusieurs fois à vespres dans nostre coeur pendant la ditte octave en soutanne; que pendant l'hyver, il a paru dans nostre église, au sermon et par les rues dans un habit qui le rendait peu connaissable et qui apprestait à rire à quantité de gens; que de l'article des ordonnances de Monseigneur et des conclusions capitulaires qui défendent de dire aucune messe pendant celle de chapitre, il faict un ordinaire d'y contrevenir, et ce qui est de fraische datte, il le fit vendredy dernier, huictiesme du courant, ayant esté à l'autel immédiatement après celuy qui célébrait la messe de chapitre, qui estait le sieur PETIT ancien chanoine, qui, après la messe, lui remonstra qu'il allait contre l'usage de l'église et qu'il contrevenait à l'ordre estably par les ordonnances mesmes de Monseigneur d'Auxerre, à quoy il répartit qu'il allait aux champs et qu'il y en avait bien d'autres que luy qui le faisaient, ce qui se trouve faux, et ensuitte de cette défaitte pitoyable, luy bailla toutes les marques qu'il estait dans le dessein de continuer.
Et, attendu que c'est un homme qui nous est entièrement inutile, et dont la compagnie ne peut recevoir aucun secours dans le besoing que nous avons d'estre secourus pour acquitter les charges du service divin, dans la conjoncture présente où Mr le Chantre est absent et un chanoine incapable, par son bas aage de servir, ce qui nous réduit au nombre de quatre pour en remplir tous les devoirs, le dit BERGIER ayant toujours évité et refusé de nous rendre service dans les occasions que la nécessité a faict naistre, en sorte que, depuis que nous le souffrons dans nostre église, il ne peut pas dire qu'il nous en ait rendu le moindre.

Nous donc, pour empescher les suittes d'un procédé si peu civil et malhonneste, et qui ne peut se sauver du blasme d'une notable ingratitude, avons conclud d'une commune voix que le dit sieur BERGIER sera adverty de nostre part de ne plus porter les draps dans nostre église, et de n'entrer plus dans nostre sacristie pour y prendre des ornemens pour dire la messe et que nous luy en défendons l'entrée, et à ce que la présente conclusion soit exécutée, enjoignons à Nicolas COQUILLE, nostre sacristin d'y tenir la main et d'apporter tous ses soings, à ce qu'il n'y ait ny calice ny ornemens pour le dit sieur BERGIER.

Faict et conclud en chapitre les jour et an que dessus.
Ainsy signez

PETIT, ancien chanoine et président

GUILLIER, RAGON et BOUILLOUT

 

Mais quel était donc le rôle des chanoines dans la collégiale?

D'après le dictionnaire d'Antoine FURETIERE, un chanoine est celui qui possède un revenu dans une église cathédrale ou collégiale, affectée à ceux qui doivent y faire le service divin. Cette pension était appelée "canon" d'où leur nom.

"Car les Chanoines n'étoient autrefois que des Prestres ou autres Ecclesiastiques inférieurs qui résidoient auprés de la grande Eglise, pour aider à l'Evêque à la desservir. Ils dépendoient de sa volonté en toutes choses. Ils etoient nourris du revenu de l'Evesché & demeuroient sous le même toit, comme étant la vraye famille de l'Evêque. Ils furent même héritiers de ses meubles jusqu'en l'an 816 que cela leur fut deffendu par un Concile tenu à Aix la Chapelle sous Louïs le Débonnaire."

On distingue les chanoines réguliers, qui vivent en communauté, qui ont prononcé des voeux et qui sont pour la plupart sous la règle de Saint Augustin et les chanoines laïques ou séculiers qui ont été reçus par honneur et privilège dans quelques églises de chanoines.

Le dénommé BERGIER est prêtre, puisqu'il dit la messe et entend les confessions. Il n'a que du mépris pour les chanoines auxquels il reproche peut-être leur vie tranquille et le montant de leur revenu. Mais pourquoi ceux-ci lui avaient-ils "permis de porter les draps dans leur église". En quoi cela consistait-il?
Quelqu'un peut-il me répondre?

Dommage aussi que l'on ne connaisse pas la suite de l'histoire. Cette interdiction n'a pas dû être facile à faire respecter compte tenu de ce que l'on devine du caractère du "sieur BERGIER"...

 

Monique GUENETTE

 

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- L'affaire du curé Bergier

 

Publié sur ce site le 17 juillet 2008.

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