Chasteauneuf (0)

Le mercredy cinquiesme de septembre 1685 nous André Colbert (1) &c sommes partis de la chartreuse de Bellarry accompagnez comme dessus (2) pour aller faire la visite de l'eglise paroissialle de Chasteauneuf au val de Bargis ou estant arrivez sur les huit heures du matin et nous estant revetus dans nostre carosse de nos rochet (3) et camail (4), nous sommes allez à l'eglise, à la porte de laquelle nous avons esté receus par le s[ieu]r curé avec sa croix, l'eau beniste et l'encens en la maniere accoutumée ; et apres les prieres et ceremonies ordinaires et de la nous nous sommes assis dans un fauteüil preparé à cet effet pres le grand autel ou estant ledit s[ieu]r curé de ce interrogé que le patron de la paroisse (5) est st Estienne dont la feste est le landemain de Noel ; ne scaÿ si l'eglise est consacrée (6), n'y en aiant aucune marque ; que la feste de la dedicace (7) se fait le mesme jour qu'en nostre eglise cathedralle; que le seigneur du lieu est M. le duc de Nevers et que le benefice est cure (8) à la p[rése]ntation de M. le prieur de La Charité (9).

Que luy pourveu se nomme Pierre Robeau du diocese de Paris, prestre depuis 30 ans et curé depuis 13 à 14 ans ; il n'a put nous faire voir ses lettres d'ordre, nous ayant dit qu'il les a produït dans un proces qu'il y a dans la p[aroi]sse mais nous avons veu ses provisions qui sont en bon estat ainsy que les registres baptistaires.

Qu'il y a dans lad[it]e parroisse 21 hameaux, dont les plus esloignez sont à une grande lieüe. Il y en a des deux costés du bourg de pareille distance. Ils se nomment les Taules, le Chasteau, Besour, la Girardine, le Moulin, le Potin, Fonfaye, la Forest, Chamery, Fontenaille, Chaumes, Croravard, le Pont, l'Evesque, Avins, le Chastelet, Tresseux, les Bornets, Prelong, le Mont et la Rolande, faisant le tout la quantité d'environ 12 à 1300 ames dont il y a bien 800 co[mmun]ians qui ont tous fait leurs pasques (10), à la reserve du s[ieu]r Descombres qui est un gentilhomme qui demeure dans une maison basse dud[it] bourg, lequel à ce que led[it] s[ieur] curé nous a dit alla environ la feste de l'assomption derniere se confesser et communier aux Recollectz de Clamecy sans son aveu ny permission. Il y a dans lad[ite] p[aroi]sse plusieurs fiefs, scavoir : le Bezour appartenant aux h[ériti]ers de Jacques Gacoin (11) s[ieu]r de Demeures qui sont de Nevers, le Choulot estant dans led[it] hameau de Bezour app[arten]ant aux h[ériti]ers du s[ieu]r Durand, le Chef Renard app[arten]ant à mons[ieu]r le marquis de Charnisay et le fief de Fonfaye qui est le seul ou il y ait haute justice (12) et dont le s[ei]g[neu]r se nomme Guy de Maurognes cheval[ie]r s[ei]g[neu]r de Fonfaye qui est de la RPR (13) et a sa femme, 3 enfans et une servante de la mesme RPR et les autres valets et domestiques qui sont au nombre de 7 ou 8 sont de la r[eligion] cath[olique] apostol[ique] et romaine.

nous a dit de plus qu'il n'y a dans l'etendue de lad[ite] paroisse aucun benefice (14) mais seulem[en]t quelques chappelles sans fondation (15) ; scavoir : au chasteau celle de St Antoine qui est en ruine ; elle est de nostre collation (16). Il n'y a pas de titulaire mais le s[ieu]r curé de Chasnay y va tous les ans dire la messe le jour de la feste dud[it] saint et en recoit le revenu qui est un pré de 7 ou 8 lt (17) de revenu, pretendant led[it] s[ieu]r curé que le titre de cette chappelle est annexe à sa cure. Il y a encore la chappelle de St Lazare, scituée à un quart de lieüe du bourg entre Cha[tea]uneuf & Fonfaye ; elle est en ruine et l'on n'en scait ny le revenu ny les charges ; celle de St Hypolite, scize proche le Moulin en pareil estat & dont on n'a aucune connoissance & celle de Ste Barbe, au hameau de Chaumes, qui est en ruine et sans fonda[ti]on ; l'on nous a dit qu'autrefois il y avoit une cloche mais que les habitans l'ont vendue à la co[mmu]nauté de Chasnay du dioceze de Nevers, qui offre de la rendre en luy rendant l'argent qu'elle a donné.

nous a dit encore de ce interrogé que le revenu de la cure de Cha[tea]uneuf est d'envir[on] 1000 lt, concistant en dixmes (18) de tous grains (19) au quanton de Fonfaye et aux environs de Cha[tea]uneuf ; M. de Sauvages et autres sous le mesme nom dixment dans Cha[tea]uneuf et dans les autres quantons. Il y a plus[ieu]rs dixmes : M. de Sauvages, les RRPP (20) chartreux de l'abbaye de Bouras, M. le prieur de La Charité. Plus a led[it] s[ieu]r curé la moitié du dixme de vin au quanton nommé Survif et Mr de Sauvages l'autre moitié. Il y a aussi les dixmes de chanvre et aigneaux et environ une demie charrue de terre ou 50 boisseléez et six pieces de pres qui rendent environ 5 charriotz de foing et des menues rentes pour 4 lt par an suiv[ant] un ancien terrier qu'a led[it] s[ieu]r curé et le casuel (21) de l'eglise qui à tout compter va à env[iron] 200 lt.

nous a dit que les charges, outre celles qui sont ord[inair]es à tous les curez, sont une messe tous les mercredys et une tous les vendredys de chaque semaine pour les trepassez et chaque dimanche de caresme les vigiles (22), pourquoy la fabrique (23) doit paier aud[it] s[ieu]r curé 13 lt par an ; les vigiles se disent mais les messes ne se disent plus par convention faite à ce sujet.

Il n'y a pas de vicaire (24) à p[rése]nt, quoy qu'il y en doive avoir un, led[it] s[ieu]r curé et les p[aroi]ssiens nous en ayant demandé un publiquem[en]t ce que nous leur avons permis.

Il y a un m[aîtr]e d'escolle (25) qui se nomme Leonard Henry aagé d'environ 24 ans. Il sert depuis 4 ans sans avoir esté approuvé de nous, disant qu'il .......... qu'il suffit qu'il soit fils de l'ancien m[aîtr]e d'escolle p[ou]r luy succeder mais qu'il se p[rése]ntera à nous quand il nous plaira pour estre examiné et approuvé. Il assiste à l'eglise et chante assez bien ; l'on est content de son service, sy ce n'est que quelques fois ils se plaignent que quand on luy doit de l'argent, il va boire au cabaret avec ceux qui luy doivent. Il a avec luy sa soeur, une escolliere, qu'ils enseignent separerem[en]t ; sa soeur enseigne les filles et l'un et l'au[tre] demeurent chez leur mere qui est v[euv]e dud[it] m[aîtr]e d'ecolle ; il (n' a p[ou]r ce p[rése]nt) qu'un escollier.

ayant demandé aud[it] s[ieu]r curé s'il y a dans lad[ite] eglise quelques reliques (26) & confrairie (27), il nous a dit qu'il n'y en a aucune, que feu M. d'Auxerre nostre predecesseur d'heureuse memoire luy avoit permis d'y establir celle du s[ain]t sacrement mais qu'il ne l'a pas encore fait. Il nous a dit de plus qu'il n'y a pas d'indulgences (28) que celles qu'un part[iculi]er dud[it] lieu a nouvellem[en]t apportéez de Rome mais elles n'ont pas esté approuvéez parce qu'il y a erreur dans le bref ap[osto]lique (29) en ce qu'il est dit que Cha[tea]uneuf est du dioceze de Nevers, au lieu qu'il est du dioceze d'Auxerre.

nous estant informé de la fabrique, led[it] s[ieu]r curé et les ha[bit]ans nous ont dit que le procureur fabric[ien] (30) d'à p[rése]nt se nomme Francois Perreau, lequel est en charge depuis 1681 et n'a encore rendu aucun compte, que le revenu de la fabrique consiste en deux prez dont l'un est accensé (31) à 4 lt 10 s[ols] et l'au[tre] à 3 lt, et en 7 ou 8 lt de menues rentes, les questes qui vont par an à peu de chose, un eschevot de fil que l'on offre avec le pain beny et les droits de sepulture dans l'eglise qui se paient à raison de 40 s[ols] pour les grandz corps et vingt sols pour les petitz (32). Il n'y a pas de coffre pour la fabrique mais l'argent se met dans un tronc qui est au milieu de la nef dont le s[ieu]r curé et le procureur fabr[icien] ont chacun une clef et d'ou l'on tire de l'argent suiv[ant] les besoins de l'eglise & le procureur fabricien les escrit sur son reg[ist]re, s'en charge et en tient compte de l'employ qu'il en fait. Il n'y a aucun titre (33) de la fabrique.

Ensuitte, nous avons celebré la s[ain]te messe, à l'issue de laquelle nous avons donné la communion à plus[ieu]rs personnes qui s'y sont p[rése]ntez et fait les prieres ord[inai]re pour les morts, tant à l'eglise qu'au cimetiere ; que nous avons trouvé murailles en fort mauvais estat, y ayant plus[ieu]rs breches & n'ayant pas de grilles aux entréez.

De la estant rentrez dans l'eglise, nous avons visitté les fonds (34) qui sont au bas de l'eglise en entrant du costé de l'epitre (35) dans une chappelle fermée d'une grande balustrade de bois et avons remarqué qu'ils sont couverts d'un couvercle de bois fermant à clef dont nous avons fait faire l'ouverture ; et y avons trouvé un bassin de cuivre qui n'est pas estamé dans lequel est l'eau beniste, sur lequel est un couvercle de bois, une coquille dont l'on se sert pour verser l'eau sur la teste de l'enfant q[ue] l'on baptise et un bassin de de fayence en ovalle qui sert à la recevoir ; à costé est une piscine (36) ou l'on jette l'eau qui a servi au baptesme ; ayant demandé les sages femmes, l'on nous a dit qu'il n'y en a pas mais que les femmes s'aident l'une l'autre dans cette occasion ; sur quoy, ayant exhorté les femmes de la paroisse à en choisir quelques seures (37) d'entre elles qu'elles jugeroient les plus experimentéez pour faire cette fonction, elles ont à l'instant choisy les nomméez Edmée Gros, veuve Macé, aagé de 58 ans, et Edmée Rignault, femme de Jean Pichard aagée de 52 ans (38), lesquelles nous avons interrogéez et les ayant trouvéez capables, les avons approuvéez et leur avons fait faire le serment ord[inai]re.

Ensuitte, visittant le reste de l'eglise, avons remarqué qu'il y a des deux costéz de la nef deux rangz de pilliers qui ferment deux collateraux (39), qui sont cintré de bois par dedans en forme de voute faite de douves (40) et celles des collateraux est en mauvais estat, y en ayant plus[ieu]rs de manque ; l'eglise est fort mal pavée, y manquant du pavé en plusieurs endroitz et les tombes estant mal poséez ; les murailles ne sont pas enduites. Il y a dans le milieu de la nef une tombe eslevée de terre d'environ deux piedz et demy, laquelle on nous dit tenir à poser les corps des deffuntz lorsqu'on les apporte à l'eglise ; proche lad[it]e tombe est un tronc de pierre qu'on nous a dit estre le tronc de la fabrique ; et attendu qu'il estoit plus de midy, nous avons remis la continuation de n[ot]re visite à l'aprez disné et nous sommes retirez.

Et le mesme jour sur les deux heures de relevéez (41), nous sommes retournez à l'eglise ou, estant, nous avons donné au peuple la benediction du tres s[ain]t sacrem[en]t (42) dont nous avons ensuite fait la visitte et remarqué qu'il est dans un ciboire (43) de cuivre fort mal propre ; et ayant demandé à veoir les vases sacréz, led[it] s[ieu]r curé nous a p[rése]nté un soleil d'argent (44) dont la croix de dessus est rompue et ou il n'y a pas de verre avec une boeste de cuivre fort mal propre qu'il nous a dit luy servir pour porter le s[ain]t sacrem[en]t aux malades ; avons remarqué le grand autel fort propre qu'il est adossé à la muraille, laquelle est peinte avec un filet d'or en plus[ieu]rs endroitz ; le tabernacle (45) est peint et doublé dedans et d'hors. Il y a une lampe dev[ant] le s[ain]t sacrem[en]t ; dans le sanctuaire, à costé de l'epitre, est une porte par ou l'on entre dans la sacristie (46) qui est propre et commode. Il y a à l'ouverture un eschenée (47) qui est rompü, ce qui est cause qu'il pleut dans la sacristie ; en entrant le choeur est vouté et separé du sanctuaire par un balustrade ; dans la muraille du sanctuaire du costé de l'evangile est une armoire pour les s[ain]tes huiles (48) dont la porte est peinte et sur icelles escrites ces paroles olea sacra (49) ; les vaisseaux (50) sont de gros etain et mal propres. Il y a un encensoir (51) tout rompu et n'y a pas de navette (52).

Dans le collateral du choeur est une chappelle de la Vierge ou il y a pour retable (53) un tableau de l'annonciation au dessus duquel est une figure en relief de N[otre] Dame ; l'autel est assez bien orné. Il n'y a pas de marbre consacré (54) mais l'on y en porte un lorsqu'on y veut dire la messe. Il y a dans lad[ite] chappelle un banc qu'on nous a dict appartenir à mad[emois]elle de Faroux dem[euran]te en lad[ite] p[aroi]sse de Cha[tea]uneuf ; de l'au[tre] costé du collateral est la chappel[le] de st Jean sans retable ny ornemens et dont le marbre est rompu ; le choeur (55) est separé de la nef (56) par une grande balustrade ou il y a deux marches à monter. Il y a dans la nef plus[ieu]rs bancz qui sont en confusion et sans aucun ordre ; la couverture est en mauvais estat, en sorte qu'il pleut du costé de la grande porte du choeur ; du costé de l'evangile (57), il n'y a pas de vitres aux fenestres de l'eglise qui sont dans la nef.

Aprez quoy, nous avons fait retirer led[it] s[ieu]r curé et demandé ensuite s'il y avoit quelqu'un qui eut quelques plaintes à nous faire de sa conduite ou sy l'on en estoit content ; sur quoy s'est p[rése]nté d'abord le nommé Claude .......... qui s'est plaint de ce que led[it] s[ieu]r curé a laissé mourir sa femme sans confession, quoy qu'on eut esté deux fois chez luy pour l'advertir de la venir veoir, ce qu'il ne voulu faire quoy qu'il fust dans sa maison, dict de plus qu'il a veu une fois led[it] s[ieu]r curé pris de vin et qu'il a ouy dire que cela luy arrive souv[en]t.

Edme Bondet nous a dit et fait plainte de ce que un de ses enfans estant mort, il fut obligé de le garder deux jours parce que led[it] s[ieu]r curé ne venoit point le querir pour l'enterrer, quoy q[u'i]l l'en eust requis plus[ieu]rs fois.

Mathurin Bornet nous a dit que Toussaint Godener son voisin estoit mort sans confession quoy qu'il eut esté 3 jours à la gonie parce que led[it] s[ieu]r curé n'y voulu pas venir, quelques prieres qu'on luy en eut faites ; et de plus nous a fait plainte de ce que led[it] s[ieu]r curé s'enyvre souv[en]t, se traisne dans les rues et dit vespres (58) en cet estat ; et de ce que plus[ieu]rs autres personnes de la paroisse sont aussy mortes sans confession et que led[it] s[ieu]r curé sort souv[en] hors de la paroisse et mesmes qu'il rend de frequentes visites à la dam[oise]lle Desbordes (59) qui demeure dans la p[aroi]sse de Colmery.

Jean Picolet dit que led[it] s[ieu]r curé est presque tousiours hors de sa p[aroi]sse, qu'il se saoule souv[en]t et l'a veu yvre plu[sieu]rs fois et luy a veu souv[en]t dire la messe en cet estat, qu'il ne fait pas de catechismes, n'en ayant pas fait depuis 10 ans ny pendant l'avent (60) ny pend[ant] le caresme (61).

Philbert Picollet dit que led[it] s[ieu]r curé sort souv[en]t de sa p[aroi]sse et que pendant ce temps la il .......... quelques fois des gens sans confession et que souv[en]t il se saoule et dit vespres dans cet estat.

Ponce Poubeau a dit scavoir qu'il est fort negligent à administrer les sacremens et a ouy dire qu'il s'enyvre et dit vespres en cet estat.

Jean Paiot a dit et fait plainte de ce que led[it] s[ieu]r curé ne reside pas dans sa paroisse (62), que souv[en]t l'on est obligé d'aller chercher des prestres ailleurs et que le nommé Godener est mort sans sacremens et qu'il scait que souv[en]t led[it] s[ieu]r curé boit avec ses amys et qu'il n'y paroit que trop.

Et par toutes les plaintes qui nous ont esté faictes, il paroist qu'il est mort bien des gens sans sacremens ; entre autres Jean Cabarat meusnier à Chaumes, Francois Vernot dem[euran]t à l'Evesque sans co[nfess]ion, une femme du hameau de la Forest et 2 ou 3 autres personnes du mesme hameau dont Marie Valet et 2 femmes aux Bornetz.

Se sont encore plaintz de ce qu'en tres peu de tems, il confesse cent personnes, qu'il va souv[en]t chez la dam[oise]lle Desbordes qui vient chez luy de temps en tems et luy envoye des pigeons, que quelquefois l'on porte un enfant à l'eglise pour baptiser et il ne s'y trouve personne ; de mesme q[ue] pour les enterremens, y ayant quelques fois resté des corps dans l'eglise qu'il enterre quand il luy plaist et quand il est de retour ; l'enfant de Pierre Nolet a esté porté à l'eglise et n'y ayant personne pour le baptiser, Marie Nolet fut obligée de le baptiser et co[mm]e il mourut aussitost, on le laissa la pour l'enterrer et il y demeura jusqu'au retour dud[it] s[ieu]r curé ; et enfin de ce souv[en]t il veut aller d'hors, il dit vespres aprez la messe du dimanche sans sortir de l'eglise.

Ensuitte, avons fait revenir led[it] s[ieu] curé auquel ayant dit qu'il y avoit bien des plaintes contre luy et entre autres de ce qu'il ceux qui scavent le plus de tous ces faitz sont Hugues Bonnet, Jean et Philbert Picollet, Estienne Guesdon, Michel Lauverjon, Mr Descombes, Maritte Nozet charron et Mr le bailly et sa fe[mme].

Ensuitte, avons fait revenir led[it] s[ieu]r curé auq[ue]l ayant dit q[u'i]l y avoit bien des plaintes contre luy et entre autres de ce que plu[sieu]rs personnes sont mortes sans sacremens par sa seule faute. Il nous a dit et avoué que cela est arrivé quelquesfois co[mm]e au nommé Godener mais qu'il ne put pas y aller et quant à la negligence à administrer les sacremens, il a dit que ce qui fait qu'il ne se presse pas tant de les leur porter, c'est que quelques fois on l'est venu querir pour aller veoir et confesser des malades qu'il trouvoit debout et en bonne santé et luy offroient de le faire boire avec eux.

Luy ayant demandé s'il avoit quelques plaintes à faire de ses paroissiens, il nous a dit q[ue] la pluspart sont fort negligens de venir au service divin et mesme à la messe ; en sorte q[ue] quand ils sont six ou sept dans une maison, ils ne viennent que de quinze jours en quinze jours, disant qu'il ne suffit pas de laisser une perso[nn]e seule pour garder le logis et qu'ils ne sont pas tous obligé d'y assister tous les jours de festes et dimanches ; à cause de cela et quand ils y ont esté un dimanche, ils sont exempts d'y assister le dimanche suiv[ant] et vont quelquesfois se pourmener ailleurs au lieu de venir à la messe. Les maistres refusent mesme à leurs domestiques de les y laisser venir.

S'est encore plaint led[it] s[ieur] curé de ce que plus[ieu]rs de ses paroissiens ne font point de scrupule de voler les glands dans les bois de leurs voisins et ne croient pas estre obligez à les restituer, quelques remonstrances qu'il leur en aye faites.

S'est plaint en outre ledit s[ieu]r curé de ce que plus[ieu]rs de ses paroissiens frequentent les cabaretz et y restent mesme aprez 8 heures du soir ; s'est encore plaint de ce qu'il y a des amendes adjugéez à l'eglise dont on ne peut se faire paier, faute d'en avoir l'extrait du greffier.

ayant cependant fait visiter le presbytere, ceux qui y estoient allés nous ont rapporté nous ont rapporté qu'il est en tres bon estat ; aprez quoy, nous avons finy nostre d[it]e visite par la priere ordinaire pour les trepassez et apres avoir de tout ce que dessus dressé nostre p[rése]nt procez verbal, nous nous sommes retirez les jour, mois et an susdit.

+ André ev[êque] d'Auxerre

Par Monseigneur Gourret

 

 Cette visite fut suivie par la publication d'un certain nombre d'ordonnances

 

 Notes et vocabulaire

(0) - Par convention et pour en faciliter la lecture, le texte original a subi diverses retouches : ajout de majuscules aux noms propres, accents, apostrophes et autres signes de ponctuation indispensables à la compréhension ; développement des abréviations ; suppression des majuscules superflues ; séparation des mots accolés... En revanche, l'orthographe n'a pas été corrigée. Les mots entre parenthèses sont incertains.

(1) - André Colbert : Evêque d'Auxerre, parent du célèbre ministre de Louix XIV.

(2) - accompagnez comme dessus : L'évêque d'Auxerre a quitté son château de Varzy le 15 août 1685, en carosse, accompagné de François-Théodore Gourret du diocèse de Paris, docteur en théologie, secrétaire ordinaire de l'évêché, d'Etienne Pigalle, prêtre du diocèse, aumônier, et de ses domestiques.

(3) - rochet : Aube courte à manches étroites que portent certains dignitaires ecclésiastiques sous le mantelet.

(4) - camail : Courte pèlerine des ecclésiastiques.

(5) - patron de la paroisse : Saint ou sainte à qui est dédiée l'église.

(6) - consacrée : Bénite.

(7) - la feste de la dedicace : Fête de la consécration d'une église au culte divin.

(8) - le bénéfice est cure : Le bénéfice est le revenu attaché à un titre ecclésiastique, ici celui de curé.

(9) - à la p[rése]ntation de M. le prieur de La Charité : Lequel a donc le droit de présenter à un bénéfice.

(10) - ont tous fait leurs pasques : Ont reçu la communion prescrite aux fidèles par l'Eglise à Pâques.

(11) - Jacques Gacoin : Jacques Gascoing.

(12) - haute justice : Ce qui signifie qu'il peut prononcer toutes les peines, y compris, en matière criminelle, la peine capitale.

(13) - RPR : Religion Prétendue Réformée.

(14) - benefice : Pièce(s) de terre(s) ou bâtiment dont le curé à la jouissance ; revenu attaché à sa fonction.

(15) - sans fondation : Sans affectation à un usage pieux déterminé.

(16) - elle est de nostre collation : Elle est au nombre de nos bénéfices.

(17) - lt : Livre tournois, monnaie royale ; une livre vaut vingt sols et un sol vaut douze deniers.

(18) - dixmes : La dîme est un impôt, fraction variable de la récolte prélevée par l'Église (un seizième en moyenne en Nivernais).

(19) - tous grains : Blé, seigle, orge, avoine, méteil.

(20) - RRPP : Révérends pères.

(21) - casuel : Honoraires que les fidèles donnent parfois au curé.

(22) - vigiles : Office tenu la veille d'une fête religieuse.

(23) - fabrique : Nom par lequel on désigne les administrateurs chargés de régir les biens et les revenus de l'église ; la fabrique, composée du curé et de quelques membres de la paroisse, est censée rendre des comptes à l'évêque.

(24) - vicaire : Prêtre chargé d'aider un curé dans son ministère paroissial.

(25) - m[aîtr]e d'escolle : Il est bien rare qu'une paroisse de la région dispose à cette époque d'un maître d'école.

(26) - reliques : Corps, fragment du corps d'un saint ou d'un bienheureux, objet qui a été à son usage ou qui a servi à son martyre.

(27) - confrairie (confrérie) : Association pieuse de laïques ; on mentionne dans les paroisses environnantes les confréries du Saint-Sacrement, du Rosaire, de Ste-Reine...

(28) - indulgences : Rémission de tout ou partie de la peine encourue par les péchés actuels pour une durée variable.

(29) - bref ap[osto]lique : Rescrit du pape, de caractère privé, sur des matières de moindre importance que celles dont traite la bulle.

(30) - procureur fabric[ien] : Celui qui est chargé d'administrer la fabrique (ou : marguillier).

(31) - accensé : Loué.

(32) - 40 s[ols] pour les grandz corps et vingt sols pour les petitz : Pour les adultes et pour les enfants ; ces tarifs varient, parfois de façon notable, d'une paroisse à l'autre.

(33) - titre : Ecrit qui établit le droit à une dignité, à une fonction.

(34) - fonds : Fonts baptismaux ; bassin placé sur un socle et destiné à l'eau du baptême.

(35) - du costé de l'epitre : Côté droit, vu des fidèles, de l'autel, du chœur où est faite la lecture de l'épître ; le côté gauche est le côté de l'évangile.

(36) - piscine : Petite cuve destinée à recevoir l'eau qui a servi au baptême.

(37) - quelques seures : Sûres.

(38) - aagée de 52 ans : La sage-femme était généralement une femme plutôt âgée dont le curé devait garantir les bonnes moeurs et le savoir-faire.

(39) - deux collateraux : Nefs latérales de l'église.

(40) - douves : Planches longues et recourbées servant à la fabrication des tonneaux.

(41) - deux heures de relevéez : Deux heures de l'après-midi.

(42) - s[ain]t sacrem[en]t : L'hostie consacrée placée dans le ciboire ou l'ostensoir ; par métonymie, l'ostensoir lui-même.

(43) - ciboire : Vase sacré en forme de coupe où l'on conserve les hosties consacrées pour la communion.

(44) - soleil d'argent : Ostensoir en forme de soleil destiné à contenir l'hostie consacrée et à l'exposer à l'adoration des fidèles.

(45) - tabernacle : Petite armoire fermant à clef, qui occupe le milieu de l'autel d'une église et contient le ciboire.

(46) - sacristie : Salle attenante à une église, garnie de meubles où sont rangés les vases sacrés, les ornements sacerdotaux, les objets nécessaires au culte, etc.

(47) - eschenée : Sans doute faut-il lire echeneau, rigole, conduit servant à l'écoulement d'un liquide.

(48) - s[ain]tes huiles :Huile d'onction utilisée dans diverses cérémonies et pour certains rites, en particulier pour l'administration de plusieurs sacrements.

(49) - olea sacra : Huile sacrée.

(50) - vaisseaux : Petit flacon destiné à contenir les saintes huiles ou le vin et l'eau de la messe.

(51) - encensoir :Cassolette suspendue à des chaînettes dans laquelle on brûle l'encens.

(52) - navette : Petit vase à encens.

(53) - retable : Partie postérieure et décorée d'un autel, qui surmonte verticalement la table.

(54) - marbre consacré : Marbre bénit.

(55) - choeur : Partie de l'église comprise entre le portail et le choeur dans le sens longitudinal, où se tiennent les fidèles.

(56) - nef : Partie de l'église devant l'autel principal où se tient le clergé pendant l'office.

(57) - du costé de l'evangile : Côté gauche, vu des fidèles, de l'autel et du chœur ; le côté droit est le côté de l'épître.

(58) - vespres : Vêpres : heures de l'offices dites le soir ou l'après-midi.

(59) - dam[oise]lle Desbordes : L'utilisation du titre "damoiselle" et le fait qu'il soit question de l'envoi de pigeons accréditent l'idée que nous sommes en présence d'une femme de la noblesse. Et, de fait, on trouve à cette époque une famille noble à Colméry, hameau des Duprés, répondant au nom de Desbordes - dont un certain Armand Desbordes, lieutenant d'infanterie au régiment de Normandie.

(60) - avent : Temps pendant lequel l'Eglise se prépare à la fête de Noël.

(61) - caresmes (carême) : Période de quarante-six jours d'abstinence et de privation entre le mardi gras et le jour de Pâques.

(62) - led[it] s[ieu]r curé ne réside pas dans sa paroisse : Le curé est tenu de résider au milieu de ses paroissiens et ne peut s'absenter sans autorisation de l'évêque.

 

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Page créée le 21 janvier 2005. Dernière mise à jour le 6 octobre 2013.

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