Châteauneuf, 1757 - L'un des cabaretiers de Châteauneuf revend à un notaire d'Arbourse une rente constituée qui lui aura rapporté au total, en 6 ans, 45 livres. Sous l'Ancien Régime, il n'existe pas de crédit bancaire - la religion catholique interdisant de toucher des intérêts. Le crédit passe donc par un système de prêts entre particuliers, les "rentes constituées". Un capital - le "principal" - est mis à disposition, moyennant le paiement d'intérêts - les "arrérages". L'emprunteur est redevable de ces arrérages jusqu'à ce qu'il rembourse le principal. D'une certaine façon, il est donc maître de la durée de son crédit. Le prêteur ne peut récupérer la somme prêtée qu'en cédant la propriété de la rente à un tiers qui lui rembourse le capital et perçoit, dès lors, les arrérages à sa place. C'est ce qui se passe ici. (0) Cote : 3 E 8 / 8 - Minutes du notaire J.-B. Bonnet (Châteauneuf-Val-de-Bargis) Archives départementales de la Nièvre |
1 - Ce jour d'huy dix huit du mois de septembre 2 - mil sept cent cinquante sept pardevant 3 - le notaire au duché de Nivernois resident 4 - au bourg dudit Chateauneuf fut present 5 - sieur François Picq (1) marchand cabaretier dem[eurant] 6 - en ce bourg dud[it] Chateauneuf, lequel 7 - volontairement a reconneu et confessé avoir 8 - vendeu ceddé quitté delaissé et transporté 9 - et par ses presentes il vend cedde quitte delaisse 10 - et transporte avec promesse de garentir à peine &c 11 - à m[aîtr]e Pierre Adem notaire et procureur fiscal (2) 12 - de la justice d'Arbource y demeurant paroisse 13 - du même nom present stipulant et acceptant. 14 - C'est à scavoir la rente constituée (3) de sept 15 - livres dix sols par an au principal (4) de 16 - cent cinquante livres fait au proffit 17 - dud[it] s[ieu]r François Picq, consentye par 18 - Guillaume Mussier et Jean Treillot son gendre 19 - par acte reçu Gorgeret no[tai]re royal à la 20 - residence de Champlemy, controllé 21 - aud[it] Champlemy par Gestat le tout en 22 - datte des vingt un et vingt cinq septembre 23 - mil sept cent cinquante un (5); la presente 24 - vente, cession et transport faitte par 25 - ledit sieur Picq audit m[aîtr]e Adem pour 26 - et moyenant le prix et somme de 27 - cent cinquante livres d'une part et 28 - de celle de sept livres dix sols pour une 29 - année d'arrerage (6) düe par lesd[its] Mussier et Treillot 30 - aud[it] Picq qui echerera le vingt du present 31 - mois ; laquelle somme de cent 32 - cinquante livres d'une part et celle de 33 - sept livres dix sols d'autres onts esté presentem[ent] 34 - et comptant payée par ledit sieur 35 - acquereur audit vendeur en especes 36 - d'argent qui sont vingt six ecuts vallant 37 - chacun six livres pieces et trante sols en 38 - monoye ayant cours dans ce 39 - royaume et par ledit Picq retirés presence 40 - du no[tai]re soussigné et temoins dont il est 41 - comptant et a quitté et quitte led[it] s[ieu]r 42 - acquereur et tous autres ; au moyen 43 - de quoy led[it] sieur Picq a subrogé et 44 - subroge (7) led[it] m[aîtr]e Adem en tous ses droits 45 - noms raisons actions pretentantions privileges 46 - et hipotecques pour les exercer contre 47 - ledit Mussier et Treillot tout ainsy 48 - qu'il l'auroit put faire, et luy a 49 - presentement remis la grosse (8) primordial 50 - dudit contract ; tout ce que dessus 51 - a esté stipulé et accepté par lesdittes 52 - partyes. Car ainsy & promettant 53 - obligeant & renonçant & fait en presence 54 - de Jean Picollet marguiller (9) et du s[ieu]r Gaspard 55 - Brossard (10) marchand demeurants au bourg 56 - dud[it] Chateauneuf temoins qui onts signez 57 - avec les partyes soit controllé.
Pic - Picollet - Adam - Brossard - Bonnet (11)
58 - C[ontrô]llé à Donzy le 29 7bre 1757. R[eçu] : 24 s[ols]. 59 - Dagot
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Notes et vocabulaire (0) - Par convention et pour en faciliter la lecture, le texte original a subi diverses retouches : ajout de majuscules aux noms propres, accents, apostrophes et autres signes de ponctuation indispensables à la compréhension ; développement des abréviations ; suppression des majuscules superflues ; séparation des mots accolés... En revanche, l'orthographe n'a pas été corrigée. Les mots entre parenthèses sont incertains. (1) - François Picq : Originaire de Beaumont-la-Ferrière, praticien, François Pic, né vers 1709, est souvent appelé à contresigner les actes du notaire Bonnet. Aubergiste-cabaretier-boulanger, il exerce son activité, en plein bourg - où son établissement se reconnaît à son "bouchon", une branche de feuillages accrochée au-dessus de l'entrée en guise d'enseigne. (2) - procureur fiscal : Officier qui dans les juridictions seigneuriales remplit les fonctions des procureurs du roi dans les juridictions royales ; c'est le personnage le plus important de ces petits tribunaux. (3) - rente constituée : Système de crédit longtemps en usage. (4) - principal : Somme prêtée, donnant lieu à la perception d'intérêts. (5) - François Pic détient donc cette rente depuis 6 ans. Elle lui a rapporté 45 livres en tout. (6) - arrerage : Intérêts que l'emprunteur est tenu de verser jusqu'à la restitution du capital. (7) - a subrogé et subroge : A substitué et substitue. (8) - grosse : Copie d'une décision de justice ou d'un acte notarié comportant la formule exécutoire. Elle est nécessaire à l'huissier pour qu'il remplisse sa mission. Son origine remonterait à l'époque où les commis étaient payés à la page. Ils étaient, bien évidemment, tentés d'adopter un système d'écriture où les lettres étaient plus grosses que de coutume. (Pratique de paléographie moderne - Alain Fournet-Fayard - Publications de l'université de Saint-Etienne) (9) - Jean Picollet marguiller : Châteauneuf compte à l'époque trois familles Picolet : une famille de drapiers, une famille de charbonniers et une famille de marchands et de gens de loi. C'est à la famille de charbonniers que se rattache Jean Picolet, manoeuvre, charbonnier, marguillier. Comme son homonyme aubergiste-cabaretier, Jean Picolet appose assez souvent, lui aussi, sa signature sur les actes du notaire Bonnet. (10) - Gaspard Brossard : Originaire de Beaumont-la-Ferrière, Gaspard Brossard (1731 / 1799) est un marchand de bois aisé. C'est à la suite de son mariage, en 1752, qu'il s'est installé dans une des maisons du bourg de Châteauneuf, où il dispose d'un personnel domestique. Il figure au nombre des notables locaux. Quelques années plus tard, les registres mentionnent ses fonctions de notaire et de procureur fiscal (officier de justice, c'est-à-dire le pendant, à l'échelon seigneurial, du procureur du roi). C'est l'un des plus gros contribuables castelneuviens. (11) - Bonnet : Né à Cessy-les-Bois, descendant d'une famille d'officiers seigneuriaux, le notaire Jean-Baptiste Bonnet (1710 / 1801) est certainement, au XVIIIe siècle, le plus en vue des notables de Châteauneuf. A l'exception d'une période de dix ans, pendant laquelle il habite à Nevers, paroisse Saint-Etienne, il y réside la plus grande partie de sa vie, dans une maison située face à l'église. Il connaît une longue et belle carrière, occupant successivement ou simultanément diverses fonctions : notaire royal, juge, fermier de la châtellenie de Châteauneuf, procureur fiscal, bailli de La Celle-sur-Nièvre, conseiller du roi, commissaire aux saisies réelles du Nivernais... Son petit-fils, Louis Bonnet, sera le premier maire de Châteauneuf.
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Page créée le 18 septembre 2010. Dernière mise à jour le 3 mars 2012.
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