Châteauneuf, 1748 : Un cabaretier des Taules vient de faire l'acquisition d'une maison et de quelques pieds de vigne pour la somme de 94 livres. Mais, quelques semaines plus tard, un proche du vendeur fait annuler la vente à son profit. Une disposition de la Coutume du Nivernais permet en effet à des parents de récupérer un bien familial vendu, à condition de se manifester dans un certain délai et moyennant, bien sûr, le remboursement à l'acquéreur des frais qu'il a engagés. C'est ce qui se passe ici. Le cabaretier dessaisi fait sans doute contre mauvaise fortune bon coeur... (0) Cote : 3 E 8 / 5 - Minutes du notaire Jean-Baptiste Bonnet (Châteauneuf-Val-de-Bargis) Archives départementales de la Nièvre
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1 - Ce jour d'huy vingt cinq mars mil sept cent quarente 2 - huit apres midy et pardevant le notaire au duché de Nivernois 3 - residant en la pa[roi]sse de Chateauneuf au val de Bargis a esté 4 - present en sa personne Etienne Gravier cabaretier dem[euran]t 5 - au hammeau des Taulles pa[roi]sse dud[it] Chateauneuf, lequel a 6 - declaré que pour eviter un retrait linager (1) qui 7 - pouvoit se faire de la part d'Antoine Bailly laboureur 8 - au domaine de la Bonetterie paroisse dudit Chateauneuf 9 - il consent que tous les heritages portez au contract 10 - de vente qui luy a esté fait par Michel Bonnet 11 - voiturier dem[euran]t à Corbelain par acte receu le juré soussigné 12 - du quatorze fevrier dernier controllé et insinué à 13 - Donzy le dix huit dud[it] mois et an luy demeure, comme 14 - habille à retirer (2), le tout fait sans aucune garentye 15 - de la part dud[it] Gravier, qui a reconneu avoir receu dud[it] 16 - Bailly et sa femme les frais et loyaux coust (3) porté au 17 - contract cy dessus datté (+ : montant à la somme de huit livres quatorze sols) et à la charge par ledit 18 - Bailly d'acquitter ledit Gravier de tout en quoy il est 19 - obligé envers ledit Michel Bonnet qui en decharge 20 - des maintenant ledit Gravier ; et ledit Michel Bonnet 21 - present en personne reconnoist avoir receu dud[it] 22 - Bailly la somme de trante six livres acompte 23 - de celle de quatre vingt quatorze livres ; le 24 - surplus qui est celle de cinquante huit livres 25 - payable par led[it] Bailly audit Michel Bonnet 26 - dans le jour et feste de St Jean Baptiste 27 - prochain ; de plus consent ledit Gravier 28 - que soit delivré une grosse (4) dudit 29 - contract avec ses presentes aux 30 - frais dud[it] Bailly ; ce qui stipulé 31 - et accepté de la part des dittes partyes. 32 - Car ainsy &c promettant &c obligeant &c 33 - renonçant &c fait en presence 34 - de messire François Gabriel de 35 - Morogues (5) seigneur dud[it] Fonfaye 36 - dem[euran]t en son chasteau aud[it] lieu et de Philippe 37 - Perreau agent des affaires dud[it] seigneur qui onts 38 - signé avec led[it] Gravier, led[it] Bailly et sa femme 39 - ayant declarez ne scavoir signer d'eux (6) enquis et 40 - interpellés soit con[trô]llé. De Fonfaye - Gravier - Perreau - Bonnet (7) 41 - Con[trô]lé et insinué à Donzy le huit avril 42 - 1748. R[eçu] : 48 s[ols] 9 d[eniers). Dagot
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Notes et vocabulaire (0) - Par convention et pour en faciliter la lecture, le texte original a subi diverses retouches : ajout de majuscules aux noms propres, accents, apostrophes et autres signes de ponctuation indispensables à la compréhension ; développement des abréviations ; suppression des majuscules superflues ; séparation des mots accolés... En revanche, l'orthographe n'a pas été corrigée. Les mots entre parenthèses sont incertains. (1) - retrait lignager : Disposition coutumière très ancienne permettant aux membres d'un lignage de retirer, c'est-à-dire de reprendre, un bien héritable ayant fait l'objet d'une vente à un tiers, moyennant le remboursement du prix de la vente et des frais notariés. C'est donc une sorte de droit de préemption visant à protéger le patrimoine familial. Le retrait lignager a été aboli à la Révolution. Si les parties cherchent à éviter un retrait lignager en bonne et due forme, c'est sans doute surtout pour éviter des frais ou des complications supplémentaires car, dans les faits, le résultat est le même. (2) - habille à retirer : Pour exercer ce droit, il suffit d'être un parent du vendeur. Or la femme du laboureur Antoine Bailly a pour mère une certaine Marguerite Bonnet... Le vendeur, lui, s'appelle Michel Bonnet. (3) - frais et loyaux coust : Frais de notaire. (4) - grosse : Copie d'une décision de justice ou d'un acte notarié comportant la formule exécutoire. (5) - François Gabriel de Morogues : François-Gabriel de Morogues, fils de Guy et d'Aimée de Jaucourt, seigneur de Fonfaye (Châteauneuf), La Celle-sur-Nièvre, Dreigny (Colméry) et autres lieux, ancien capitaine d'infanterie au Régiment de la Marine, décédé en son château le 16 décembre 1762 à l'âge de 78 ans. Sa première femme est Elisabeth du Faur († : 7 avril 1756). Il épouse en secondes noces, le 6 novembre 1756, Louise-Françoise-Léontine de Prunelé († 1806). (Dictionnaire de la noblesse) (6) - d'eux : Il faut comprendre "de ce". (7) - Bonnet : Né à Cessy-les-Bois, descendant d'une famille d'officiers seigneuriaux, le notaire Jean-Baptiste Bonnet (1710 / 1801) est certainement, au XVIIIe siècle, le plus en vue des notables de Châteauneuf. A l'exception d'une période de dix ans, pendant laquelle il habite à Nevers, paroisse Saint-Etienne, il y réside la plus grande partie de sa vie, dans une maison située face à l'église. Il connaît une longue et belle carrière, occupant successivement ou simultanément diverses fonctions : notaire royal, juge, fermier de la châtellenie de Châteauneuf, procureur fiscal, bailli de La Celle-sur-Nièvre, conseiller du roi, commissaire aux saisies réelles du Nivernais... Son petit-fils, Louis Bonnet, sera le premier maire de Châteauneuf. |
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Page créée le 13 mars 2013. Dernière mise à jour le 30 juillet 2017.