Châteauneuf, 1747 : Vente de deux boisselées de terre pour la somme de 20 livres. (0)

1 - L'an mil sept cent quarente sept le septieme

2 - jour du mois de fevrier avant midy et pardevant le

3 - no[tai]re au duché de Nivernois residant en la pâ[roi]sse de

4 - Chateauneuf au val de Bargis fut present en sa

5 - personne Godfroy Gravier (1) m[anoeuv]re dem[euran]t au village

6 - de la Girardine pâ[roi]sse dudit Chateauneuf, lequel

7 - de son gré et volonté sans force ni contrainte a reconneu

8 - et confessé avoir vendeu ceddé quitté et delaissé et

9 - par ses presente il vend cedde quitte et delaisse avec

10 - promesse de garentir et faire valloir à peine &c (2)

11 - â Nicollas Cendre (3) laboureur dem[euran]t au village

12 - du Moulain pa[roi]sse dud[it] Chateauneuf present stipulant

13 - et acceptant tant pour luy sa femme leurs oyrs (4)

14 - et ayant cause (5). C'est à sçavoir deux boissellez (6) de

15 - terre scituez au Champ le Compte les Namy (7) finage (8)

16 - dudit Chateauneuf tenant du levant (9) à la grange

17 - dudit acquereur, Claude Tureau et autres, du couchant

18 - à Claude et Pierre Rignault, du midy à Claude

19 - Tureau, Jean Darreaux et autres, et du septentrion ausd[its]

20 - Claude et Pierre Rignault. La presente vente

21 - ainsy faitte franche et quitte de touttes dettes hipotecques

22 - et generallement de tous empeschements quelconques

23 - sauf et à la reserve des cens et rente (10) düs à l'avenir

24 - aux seig[neur]s de qui elles seront mouvante quitte des

25 - arrerages du passé jusqu'à ce jour, et en outre pour

26 - et moyenant le prix et somme de vingt

27 - livres, laquelle somme a esté presentement

28 - payez auparavant ses presentes ainsy

29 - que ledit vendeur l'a reconneu presentement

30 - en especes monoyes ayant cours dans ce royaume

31 - dont led[it] vendeur est comptant (11) en a quitté et quitte

32 - ledit acquereur et tous autres et à ce moyen

33 - s'est ledit vendeur demis devesteu et desaisy

34 - des choses cy dessus pour et au proffit dudit acquereur

35 - qu'il a vesteu saisy et mis en bonne et paisible

36 - possession comme de sa propre chose loyallement

37 - acquise et bien payée et onts esté les vins beu (12) au

38 - sol la livre (13) entre les partyes pour raison de la

39 - presente vente. Car ainsy & promettant &

40 - obligeant & renonceant & fait les an et jour que

41 - dessus en presence de François Picq (14) marchand et de

42 - Claude Meunier m[anoeuv]re tous demeurants audit Chateauneuf

43 - temoins ; lesdittes partyes ensemble ledit Meunier ayant

44 - declarez ne sçavoir signer sauf les soussignez soit

45 - controllé et insinué (15).

François Pic - Bonnet (16)

46 - Con[trô]lé et insinué à Donzy le onze

47 - fe[vrie]r 1747. R[eçu] : 18 s[ols]. Dagot

(0) - Par convention et pour en faciliter la lecture, le texte original a subi diverses retouches : ajout de majuscules aux noms propres, accents, apostrophes et autres signes de ponctuation indispensables à la compréhension ; développement des abréviations ; suppression des majuscules superflues ; séparation des mots accolés... En revanche, l'orthographe n'a pas été corrigée. Les mots entre parenthèses sont incertains.

(1) - Godfroy Gravier : Manoeuvre (1714 / 1754).

(2) - à peine &c : Comprendre : "à peine, etc" (de dommages et intérêts).

(3) - Nicollas Cendre : Nicolas Cendre (1689/1767), laboureur, a alors 58 ans et vit au Moulin en compagnie de sa femme et du seul de ses cinq enfants qui ait survécu. (sa généalogie).

(4) - oyrs : Héritiers.

(5) - ayant cause : Personne qui tient un droit d'une autre personne.

(6) - boissellez : Mesure agraire surtout répandue dans le centre de la France et correspondant à la surface de terre pouvant être ensemencée avec un boisseau de grains ; or cette superficie varie selon le boisseau, le lieu, les techniques et la période ; ainsi précise-t-on toujours dans les actes " une boisselée, mesure de Cosne " ou " une boisselée, mesure de Nannay " - ce qui indique clairement que cette unité de mesure est variable ; à Châteauneuf, il semble qu'elle fluctue de 850 à 1 000 m² (10 ares) ; système métrique aidant, elle se stabilise, après la Révolution, à 1 000 m².

(7) - Champ le Compte les Namy : Ce champ est donc situé au Moulin, sans qu'il soit possible de le localiser avec plus de précision. Mais c'est surtout son étymologie qui nous laisse perplexe... Seule certitude, Namy est un nom de famille courant à l'époque à Châteauneuf. Deux hypothèses, ensuite :

- n° 1 : Ce compte désignerait en fait... un comte, François-Gabriel de Morogues (1684 / 1762), comte de Fonfaye, lequel est en effet le seigneur en partie du Moulin. Les Namy désignerait les terres longtemps accensées par ce dernier à des membres de la famille Namy.

- n° 2 : Ce champ figurerait sur un hypothétique compte des terres attribuées aux Namy. Allons plus loin : ce compte serait alors, vraisemblablement, l'oeuvre et la propriété des seigneurs du lieu (le seigneur de Fonfaye ou les religieux de Bellary, en l'occurrence). Le notaire se référerait donc à ce compte, à cet état, pour situer les terres dont il est ici question. Il s'agirait donc moins d'un toponyme que d'une formule du notaire...

A noter : on trouve, toujours dans les archives du notaire Bonnet, un second toponyme construit exactement sur le même modèle : Champ le Compte les Billebaults.

(8) - finage : Territoire relevant d'une communauté d'habitants, étendue d'une juridiction ou d'une paroisse.

(9) - levant, couchant, midy, septentrion : Est, ouest, sud, nord ; un lieu se définit par ce qui l'entoure aux quatre points cardinaux.

(10) - cens et rente : Redevances dues au seigneur.

(11) - comptant : Lire "content".

(12) - onts esté les vins beu : On trinque, vraisemblablement, pour sceller le marché conclu mais les "vins" dont il est ici question correspondent à une certaine somme d'argent qui se donne par manière de présent au-delà du prix qui a été convenu pour le marché (ici : 1 livre).

(13) - au sol la livre : Au prorata.

(14) - François Picq : Originaire de Beaumont-la-Ferrière, praticien, François Pic, né vers 1709, est souvent appelé à contresigner les actes du notaire Bonnet. Aubergiste-cabaretier-boulanger, il exerce son activité, en plein bourg - où son établissement se reconnaît à son "bouchon", une branche de feuillages accrochée au-dessus de l'entrée en guise d'enseigne.

(15) - insinué : Inscrit dans un registre.

(16) - Bonnet : Né à Cessy-les-Bois, descendant d'une famille d'officiers seigneuriaux, le notaire Jean-Baptiste Bonnet (1710 / 1801) est certainement, au XVIIIe siècle, le plus en vue des notables de Châteauneuf. A l'exception d'une période de dix ans, pendant laquelle il habite à Nevers, paroisse Saint-Etienne, il y réside la plus grande partie de sa vie, dans une maison située face à l'église. Il connaît une longue et belle carrière, occupant successivement ou simultanément diverses fonctions : notaire royal, juge, fermier de la châtellenie de Châteauneuf, procureur fiscal, bailli de La Celle-sur-Nièvre, conseiller du roi, commissaire aux saisies réelles du Nivernais... Son petit-fils, Louis Bonnet, sera le premier maire de Châteauneuf.

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